vendredi 14 janvier 2005

Les joyeux naufragés

Après la star académie, où l’on voit des jeunes en train de suivre un entraînement intensif pour devenir une star, il y a eu une émission où un célibataire riche choisit parmi 50 poupounnes qui se tortillent à qui mieux-mieux pour plaire. Celles qui sont éliminées repartent en pleurs pour la plus grande joie de la caméra, qui gratte le bobo en faisant des gros plans de larmes.

Le pire était à venir... Le lendemain de la finale de « Bachelor », il y avait encore une autre émission très populaire, style joyeux naufrages, mais par équipe. Et c’était, vous l'avez deviné, une autre de ces émissions ou l'on élimine des concurrents. Je ne pourrais en faire une analyse approfondie, puisque que je n'ai subi que 10 minutes d'écoute, je n'en pouvais plus. Honnêtement.

Habituellement, je subis les moments pénibles avec philosophie, en me disant que je pourrais toujours écrire la-dessus pour me consoler. Et me défouler. Mais vraiment, il y a des limites à l'endurance humaine. Sauf à celle de 60 millions de Français, semble-t-il.

Oui, encore une émission populaire, dont le but officiel est de voir comment se comportent les gens dans des situations difficiles. But louable, mais je vous laisse juger.

Donc nous sommes en présence de plusieurs équipes, intelligemment nommées « les rouges » et « les jaunes ». L’entraide, bonne valeur en soi, doit régner parmi les concurrents d’une même équipe. Je dis bien « concurrents » car régulièrement, les membres d’une équipe doivent éliminer l’un des leurs. À la fin, lorsqu’il ne restera plus que deux membres d’une même équipe, ce sont les éliminés qui décideront qui restera. Règlements de comptes en perspective.

Le tout est chapeauté par des règles instituant la compétition comme valeur première. Tout se passe comme si les organisateurs, dieux suprêmes, imposaient des valeurs tacites, les concurrents s’y plient, mais jamais aucune remise en question n’est faite. Accessoirement, la situation physique dans laquelle les équipes sont plongées (je dis « accessoirement », mais en fait, c’est la justification même du« jeu »), est la même que celle de naufragés. Ils sont dépourvus de tout, sur un archipel d’îles désertes et ils ne doivent compter que sur eux-mêmes pour l’abri, la nourriture etc. La seule chose qu’ils ont en abondance est le regard des caméras avides de saisir leur malheur.

Inévitablement, dans une situation physique de privations, proche de celles imposées par les sectes, les plus mauvais instincts vont sortir. Tous les éléments sont en place pour faire sortir les tares de l’être humain. Suspicion, coups de cochon, alliances temporaires, hypocrisie, le téléspectateur ravi assistera aux prises de bec, aux larmes, aux crises de folie etc.

Pour alimenter l’émission, on donne des « épreuves » aux équipes. Celle dont j’ai été témoin consistait à construire, à l’aide de matériaux laissés sur la plage à dessein, une embarcation, à pagayer jusqu’à l’île voisine, et être la première équipe à y mettre pied. Les jaunes gagnent la récompense promise.

La nature de la « récompense » laisse songeur : les jaunes, qui ont remporté l'épreuve, gagnent le droit de piller, pendant deux minutes, tout ce qu’ils veulent dans le camp des rouges. Étant en condition de privation, les jaunes ne se sont pas gênés pour grappiller la moindre parcelle de nourriture sur laquelle ils pouvaient mettre la main. Sous le regard consterné des rouges, sadisme suprême. Gros plan sur les visages en pleurs, les grincements de dents etc.

C’est là que je n’en pouvais plus, moi qui n’écoute même pas les lignes ouvertes parce que j’ai l’impression d’écouter une conversation téléphonique qui ne me regarde pas.

Mais nous misons ici sur le voyeurisme du public. Sur son sadisme. Cotes d’écoutes absolument record! Comme toutes les émissions à caractère « reality show »…Cette organisation me fait plutôt penser à un groupe d’enfants sadiques qui titillent une fourmilière. Entraide? Étude sociale?… Pfff…

Et attendez que je vous parle de « Oui, Chef! »…

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