mercredi 10 novembre 2004

Moi, mon monde, mon nombril… et mes recettes de cuisine!

Une bouche écarlate, pleine page, babines frémissantes, menace de me lipposuccionner. Je frémis de dégoût et je me hâte à tourner la page.

Ciel, un magazine de «madames»! Des pubs toutes en couleurs alléchantes, montrant quelques rouges à lèvres de collection, nonchalamment ouverts et même brisés en morceaux, comme des bonbons, offerts à votre convoitise, mesdames!

Passons sur les pubs, un mal nécessaire, après tout, si l’on veut qu’une publication puisse vivre. Concentrons-nous sur le contenu : beauté (lisez «maquillage»), santé (lisez «minceur»), mode, décoration…

Si vous voulez savoir ce qui se porte de nos jours à Lutèce, c’est l’endroit! Des myriades de petites horreurs «tendance» portées par des mannequins qui nous regardent avec un air méprisant. Comme des préceptes religieux, on nous assomme sous les : «Il faut absolument porter…», «…est un incontournable de la saison», «cette année, les… sont décidément à proscrire» et «Pour un look-minceur, fuyez les rayures qui...».

Je constate qu’on ridiculise le legging («de grâce, banissez cette tenue complètement «out» de votre trousseau!»). Et je suis supposée, en tant que madame, jeter tous mes leggings pas chers, confortables, qui ne prennent presque pas d’espace dans les valises, et au lieu de ça, porter des pantalons à plis, à nettoyage à sec, à rayures tendances, à prix exorbitant, et qui ne me feront plus dès que mon tour de taille aura varié de 1 cm.

La lecture de ces magazines a un effet insidieux. Moi, oui, moi, qui ne me maquille jamais, comment expliquer que je reste parfois accrochée à lire des articles sur la bonne technique pour se maquiller?

Par quel phénomène étrange la vue d’une page de publicité ou un article «de fond» sur les mérites relatifs des différents produits de beauté fait que je m’attarde malgré moi à me demander quel mascara me conviendrait le mieux et quelle ombre à paupière siérait le mieux à ma palette de couleur?

C’est presque de l’hypnose!

La mode est à l’allure naturelle, nous dit-on. Point de répit pour autant! «Mesdames, il est difficile d’avoir l’air «naturelle»! C’est tout un art! Laissez-nous vous donner des conseils!!!» Et l’on y va de toutes les recommandations possibles, sauf la plus évidente : ne pas se maquiller. On oublie que toutes les femmes possèdent, sans même lever le petit doigt et sans débourser un sou, cet air naturel qui est si «tendance» de nos jours!

Mais il n’y a pas que ça dans ces magazines : on y retrouve aussi de la Santé! Il est de bon ton de nos jours de se préoccuper de la santé. Qui rime tellement avec minceur et beauté qu’on en profite allègrement pour nous bombarder de nouveau de conseils-minceur. Idem dans les recettes de cuisine, où l’on trouvera une recette de cretons-minceur.

Des idées-cadeaux pour Noël? Regardez toutes les monstruosités «cutes» et «kétaines» dont vous pouvez affliger vos connaissances et amis, à prix «raisonnable»!

Pourquoi la «madamerie» est-elle autant assimilée à la façade? Sommes-nous si superficielles, nous, les femmes?

J’ai reçu cette semaine un appel d’une revue de madames bien connue, qui me prévenait que mon abonnement était échu. Ouiiii, enfin! répondis-je. Après un moment de stupeur au bout du fil, l’employée, incrédule, insiste et me demande si je souhaite me réabonner. Avec une offre spéciale. Et des points-bonis. Et un cadeau en prime. Et deux numéros gratuits. Et ainsi de suite, si je l’avais laissée continuer, elle me payait pour que je reprenne mon abonnement.

Mais j’ai tenu bon, et de la même façon dont j’avais coupé les liens avec Yves Caillou, célèbre représentant de la Beauté au Naturel, je ferai de même avec tous ceux qui tentent de m’appâter dans le cycle infernal de la dépendance à la Beauté, à grands coups d’offres spéciales!

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